La dédollarisation : mythe ou réalité ?

Un peu de contexte
Le coup de génie des Américains fut, en 1970, de forcer les échanges internationaux sur le pétrole uniquement en dollars. Le pétrodollar était né 1971 -Nixon). Un accord avec les vendeurs fut nécessaire. Les pays producteurs comme l’Arabie Saoudite ont vendu exclusivement leur pétrole en dollars depuis cette période. Le “système” alla bien au-delà avec le contrôle des paiements internationaux via le système SWIFT, le FMI, la Banque Mondiale. Dès le début, plusieurs pays ont souhaité contourner cette dépendance parce qu’elle permettait aux États-Unis d’appliquer des sanctions facilement à ces pays en cas de désobéissance. Mais personne n’y parvint.

La naissance des BRICS
Devant cette hégémonie, plusieurs pays se sont fixé des objectifs de coopération économique en créant une alternative au système financier américain. La Chine, en chef de file, tente d’imposer le Yuan comme monnaie alternative. C’est aujourd’hui la monnaie principale des échanges internationaux des BRICS. En 2025, le consortium représente près de la moitié de la population mondiale et plus de 35% du PIB mondial. Il dispose de plusieurs outils économiques, dont la nouvelle banque de développement (Shanghai) qui entre en concurrence directe avec le FMI.

Pays membres : Brésil, Russie, Inde, République populaire de Chine, Afrique du Sud + Émirats arabes unis, Égypte, Éthiopie, Iran.
Pays partenaires : Belarus, Bolivie, Cuba, Kazakh, Malaisie, Nigeria, Thaïlande, Uganda et Ouzbekistan. SANS: Algérie, Turquie, Vietnam.
Pays candidats : Azerbaijan, Bangladesh, Myanmar, Pakistan, Sénégal, Sri Lanka, Syrie et Venezuela. SANS: Algérie et Argentine.
Les BRICS en détail
Les sanctions internationales mises en place sur la Russie ont forcé cette dernière a travailler avec le Yuan. Cette substitution marque un tournant avec l’adoption majeure d’une devise autre que le dollar. Pour aller plus loin, les BRICS explorent la création d’un réseau de paiement alternatif à celui des Américains. Les Chinois développent actuellement le CIPS (Cross-Border Interbank Payment System) et la Russie le SPFS qui, tous deux, facilitent les négociations hors dollar.
Réduction des réserves de change
Les pays réduisent donc leur dépendance au dollar américain dans les transactions internationales, le commerce ou les réserves de change, souvent en diversifiant vers d’autres devises (euro, yuan, etc.) ou des actifs comme l’or. Ce phénomène est motivé par des raisons économiques (réduire l’exposition aux fluctuations du dollar) et géopolitiques (diminuer l’influence des États-Unis). Selon Investopedia, bien que le dollar reste la monnaie de réserve dominante (environ 58 % des réserves mondiales en 2024, selon le FMI), sa part a diminué depuis 2000 (71 %), ce qui alimente les discussions sur la dédollarisation.
Les données les plus récentes sur la composition des réserves de change proviennent du dataset COFER du FMI, avec des chiffres jusqu’au 4e trimestre 2024. La part du dollar dans les réserves allouées serait passée de 57,3 % au 3e trimestre 2024 à 57,8 % au 4e trimestre 2024, en raison de la dépréciation des autres devises par rapport au dollar. La part de l’euro a diminué (de 20,03 % à 19,83 %), tandis que d’autres devises comme le yuan (2,5 % en 2023, selon RBC Wealth Management) gagnent du terrain. Cependant, les données individuelles par pays sont confidentielles, et les chiffres pour 2025 ne sont pas encore publiés publiquement mais les tendances historiques et les discussions récentes suggèrent une continuation de la dédollarisation.
Une tendance de fonds
La Chine et la Russie règleraient maintenant la plupart de leurs échanges en yuan et en roubles, et que l’Inde paie son pétrole en roupies, avec des discussions sérieuses au sein des BRICS sur la création d’une monnaie commune. Le Brésil porte le projet tandis que l’Inde a démenti qu’un tel projet soit en cours fin 2024. D’après Reuters, la mise en place d’une telle devise se heurterait à plusieurs difficultés : construire une union monétaire est d’abord un projet politique commune, ensuite il faudrait aussi construire une union fiscale, bancaire et une convergence macro-économiques communes.
Et les initiatives se multiplient : la Russie est connue pour avoir augmenté sa part de réserves en yuan (environ un tiers, selon Investopedia), la Chine promeut activement le yuan via des lignes de swap bilatérales (mentionnées dans un article du Forum économique mondial de janvier 2025).
Impact sur les réserves de change mondiales libellées en dollars
La dédollarisation pourrait réduire les niveaux des réserves en dollars si les pays détenteurs vendent des dollars pour acheter d’autres actifs. Ce scénario pourrait entraîner une dépréciation du dollar, affectant la valeur des réserves existantes, comme le note J.P. Morgan dans un rapport de 2024, qui mentionne une stagnation de la demande pour les bons du trésor américains et une baisse de la part du dollar dans les réserves. Une diversification accrue vers l’or est également observée, notamment par des pays comme la Chine, la Russie et la Turquie, avec une part de l’or dans les réserves des marchés émergents qui passe de 4 % à 9 % sur une décennie (J.P. Morgan, 2024).
En résumé, la dédollarisation est la conséquence directe d’une stratégie politique d’évitement des sanctions économiques des Etats-Unis avec un objectif d’indépendance. Pour toutes ces raisons, un affaiblissement du dollar à court/moyen terme qui pourrait s’accélérer. En effet, pourquoi les banques centrales maintiendraient elles de tels niveau de change USD dans ces conditions ?
Commentaires récents